Ces dernières semaines, l’actualité en matière d’aménagement numérique des territoires a été pour le moins intense. Et ce n’est pas terminé.
Dans le Grand Est, l’Opérateur Commercial d’Envergure Nationale (OCEN) SFR a tenté de forcer la main au Conseil Régional pour le retenir comme partenaire aménageur. Mais c’est finalement le groupement Altitude-NGE qui a été choisi par la collectivité.
Une bonne nouvelle pour la concurrence car les catalogues de service d’Altitude Infrastructure, opérateur d’infrastructures neutres et ouvertes (qui a toutefois des filiales opérateur de détail B2C/B2B, ndlr), présentent tous des offres FTTx activées pour les Opérateurs Commerciaux. Ainsi, plus de 20 opérateurs locaux ou nationaux ciblant les marchés B2C/B2B sont présents en moyenne sur ces RIP, garantie de plein succès pour ceux-ci.
En investissant massivement dans l’aménagement numérique, cette grande Région va ainsi rester maitre de son destin numérique. Elle va bien entendu contribuer à créer des emplois durables au sein d’entreprises locales, stimuler la concurrence au profit des utilisateurs finals et disposer à long terme d’une infrastructure qui constituera un bien de retour. Dans un contexte économique toujours tendu pour les fonds publics, c’est un choix tout à fait pragmatique et raisonné : investir pour mieux générer des revenus directs (location de l’infrastructure aux opérateurs de détail) et indirects (maintien et implantation de nouveaux foyers, d’entreprises, taxes payées localement par ceux-ci…).
L’expérience de nombreux territoires renforcée par celle des opérateurs commerciaux d’envergure régionale (OCER) démontre que ce serait une fausse bonne idée de laisser les OCEN se charger seuls d’une mission de service public au risque qu’ils imposent leur modèle technique et économique.
Les choix des régions Bretagne et Auvergne sont deux exemples malheureux : peu – voire pas de concurrence locale – en raison d’un réseau d’un FTTH passif qu’aucun opérateur de taille modeste ne peut activer et des offres FTTO peu attractives du point de vue économique pour répondre aux besoins du monde économique. La Cour des Comptes a d’ailleurs épinglé ce réseau auvergnat dans un récent rapport : sans activation, point d’intensité commerciale et concurrentielle. C’est l’échec quasi-assuré du projet.
- La nouveauté : les OCEN veulent se substituer aux RIP
Depuis ce printemps, la tendance est à l’introduction d’un nouveau modèle : laisser un OCEN se charger sur fonds privés de l’aménagement numérique en lieu et place de la création d’un RIP.
Si les Yveslines peuvent faire figure d’exception à ce stade avec TDF comme nouveau partenaire (nouvel entrant sur le marché des infrastructures numériques fixes n’ayant pas d’activité de détail), les départements du Territoire de Belfort et les Hautes-Pyrénées ont quant à eux fait le choix de négocier l’investissement sur fonds propres d’un OCEN pour tenir l’engagement d’offrir du Très Haut Débit aux citoyens et au monde économique d’ici 2022… Mais avec quelles garanties quant au planning de déploiement et à la complétude ? Quels biens de retour pour la collectivité ? Combien de créations d’emplois pour les entreprises locales du Génie Civil échaudées dans certaines régions ? Quels fonds publics mobilisés pour compléter les trous de couverture restants grâce au mix technologique ?
Et surtout, quelle offre concurrentielle pour les particuliers et les entreprises si l’OCEN ne propose pas d’offres FTTH activées pour les opérateurs de taille modeste qui ne pourront activer le réseau eux-mêmes ?
Il faut rappeler que selon les dernières analyses de marché de l’ARCEP qui n’a visiblement pas mesuré suffisamment ce possible changement de cap de l’opérateur dominant Orange, celui-ci ne s’est pas vu imposer la moindre obligation de production d’offres FTTH / FTTH pro activées. Kosc, nouvel opérateur commercial dédié au marché de gros et largement poussé par les récentes décisions du régulateur, aura-t-il le temps nécessaire et les moyens (et l’intérêt) d’activer un réseau à l’échelle d’un département rural comme les Hautes-Pyrénées ou le Territoire de Belfort ? Rien n’est moins sur à court ou moyen terme, d’autant plus si de nouvelles collectivités avaient la mauvaise idée d’abandonner leur destin numérique aux mains des OCEN en omettant tous les effets collatéraux.
C’est pourquoi en prenant en compte la nouvelle donne que constitue le positionnement des OCEN sur la construction opportuniste de réseaux sur fonds propres au sein des territoires, l‘AOTA appelle l’ARCEP à revenir dès à présent sur sa décision de ne pas imposer la production d’une offre FTTH activée à Orange et à considérer l’influence significative que peut prendre SFR sur le marché en lien avec ses récentes intentions de fibrer la France.
L’AOTA réaffirme par ailleurs la pleine volonté de ses adhérents de soutenir les réseaux neutres et ouverts à la concurrence par le biais d’offres passives et activées.