Dans le cadre des conditions imposées le 27 novembre 2020 par la Commission Européenne au rachat de l’opérateur de RIP Covage par le groupe SFR, l’AOTA et ses membres ont pris connaissance de l’entrée en négociations exclusives entre XPFibre (SFR FTTH) et le groupe Altitude portant sur la cession d’une partie des actifs en matière d’exploitation de réseaux d’initiative publique (RIP).
La concentration des RIP est un mouvement qu’appellent de leurs vœux de nombreux acteurs du marché des télécoms pour bénéficier d’économies d’échelle et de processus de commande, production d’accès et SAV dignes du 21ème siècle.
En effet, les opérateurs membres de l’AOTA sont régulièrement confrontés à de sérieux problèmes de qualité de service (processus d’éligibilité, production et SAV encore largement perfectibles, réseaux non harmonisés, catalogues de services et tarifs disparates d’un réseau à l’autre, IPv6 non disponible) avec les exploitants de RIP, et notamment Covage.
A cet égard, l’AOTA se félicite de la prise en compte par les autorités de concurrence des objectifs tenant à la préservation d’une intensité concurrentielle déjà fragile sur le marché entreprises et collectivités qui souffre de profonds dysfonctionnements sur les marchés de gros.
C’est ainsi que tirant le constat d’une situation profondément insatisfaisante sur le marché entreprises et collectivités, la Commission a conditionné l’opération de rachat de Covage par le groupe SFR à la cession d’un certain nombre de RIP, afin d’éviter tout renforcement du quasi-duopole exercé par Orange et SFR sur le marché des télécoms d’entreprises et sphère publique.
Cette opération au terme de laquelle Altitude sera le nouvel exploitant sur un nombre significatif de RIP est soumise à l’autorisation des autorités de concurrence. Sa finalisation est prévue d’ici la fin de l’année 2021.
C’est pourquoi l’AOTA estime nécessaire de mettre à profit le temps restant pour maintenir une vigilance particulière sur la finalisation de cette opération.
Comme dans tout rachat, des processus d’harmonisation et de mise aux normes des différents réseaux vont être mis en œuvre. Des mesures d’accompagnement doivent être prévues dès aujourd’hui afin de gérer, au mieux de l’intérêt des clients finals, la transition entre les anciennes et nouvelles conditions.
En particulier l’AOTA estime nécessaire, compte tenu de l’accroissement de l’empreinte d’Altitude sur les RIP, que soient prévues les garanties suivantes :
- L’acquéreur étant également opérateur de détail sur le marché entreprises & collectivité, il importe de veiller à ce que la branche de détail ne se retrouve pas dans une position toujours plus privilégiée, permettant de bâtir des offres agressives par le subventionnement public accordé à la branche RIP. La réplicabilité par les clients de la branche RIP d’Altitude des offres commercialisées par la branche de détail est un remède nécessaire pour prévenir tout risque de pratiques discriminatoires. L’AOTA a déjà effectué par le passé plusieurs rappels à la vigilance quant aux méthodes commerciales de la branche de détail de l’acquéreur sur les RIP qu’il exploitait : l’AOTA et ses membres veilleront donc particulièrement au respect du principe essentiel de non-discrimination.
- le stock de devis et commandes en cours de validation, dont les offres remises aux clients finals ont été bâties sur les conditions initiales, doit rester soumis aux conditions d’origine, et ne pourront basculer sur les nouvelles conditions qu’à l’issue du terme initial, et sous réserve du maintien de l’équilibre technique et économique initial. En particulier, la poursuite des conditions tarifaires des offres de gros proposées par les RIP Covage pour les contrats engagés et cela jusqu’à leur terme uniquement (résiliation du lien éventuelle par le client final) est indispensable afin de ne pas déstabiliser le modèle économique des opérateurs clients de Covage, et porter préjudice aux clients finals collectivités comme entreprises dont la situation financière est contrainte par le contexte sanitaire.
- l’acquéreur doit s’engager dans un véritable plan d’action visant à proposer aux clients des RIP qu’il exploite un haut niveau de qualité conforme aux exigences du 21e siècle, avec un vrai système d’information moderne et agile incluant la mise à disposition d’API complètes pour gérer les problématiques d’éligibilité, de commande, et de SAV. Dans un contexte où le télétravail est devenu la norme par les mesures imposées par les pouvoirs publics pour lutter contre la pandémie Covid19, il est encore profondément choquant de voir des RIP dont les processus d’éligibilité, commande et SAV sont restés bloqués au siècle dernier avec le remplissage exigé de fichiers excel (!) à imprimer/signer manuellement.
- Enfin, les règles de communication des RIP gagneraient à être clarifiées : sur de trop nombreux réseaux, la confusion opérée entre l’opérateur exploitant et sa branche commerciale revient à procurer un avantage concurrentiel abusif à l’opérateur exploitant, bénéficiant ainsi de subventions publiques qui conduisent en pratique à évincer les opérateurs tiers qui ne peuvent accéder aux opérations de présentation des offres à la population et acteurs économiques. Ce mélange des genres a déjà fait l’objet de signalements par l’AOTA ou certains de ses adhérents auprès de l’ARCEP ou des autorités locales, en particulier pour des cas ponctuels et isolés de « représentants commerciaux » locaux de RIP un peu trop proches de certains opérateurs de détail pouvant aboutir à des marchés privés ou publics orientés.
L’AOTA et ses membres, opérateurs résolument engagés dans l’essor de solutions de connectivité très haut débit performantes et compétitives pour le grand public, le monde professionnel et les institutions publiques à l’échelle de leur territoire, rappellent leur souhait d’animer le développement d’un écosystème d’acteurs alternatifs régionaux capables de répondre efficacement et durablement aux besoins des clients finals, ceci grâce à des offres de gros pertinentes et coconçues avec les principaux clients de celles-ci.